Les îlots de chaleur urbains (ICU) à la croisée des enjeux de l’urbanisme

Les épisodes de fortes chaleurs mettent en évidence l’importance de mettre en place des dispositifs d’observation et d’analyse des impacts à l’échelle locale des changements climatiques. Encore peu connus du grand public, les îlots de chaleur se caractérisent en particulier par des hausses de températures en ville et posent la question de l’adaptation des territoires aux changements climatiques.

Anticiper les impacts locaux du réchauffement climatique

Comme partout en France, Nantes a connu des étés récents marqués par des épisodes de fortes chaleurs. Dans ses travaux sur le réchauffement climatique, le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) indique qu’ils pourraient être de cinq à sept fois plus fréquents à la fin du siècle par rapport à aujourd’hui. Comment se préparer dès maintenant à ces phénomènes climatiques extrêmes ?

Le réchauffement climatique touche toutes les régions du monde mais de manière différenciée. Les impacts tendent à se cumuler : augmentation des températures, élévation du niveau de la mer, modification des précipitations… Cela doit pousser les territoires à mettre en place des dispositifs locaux de suivi, d’observation et d’analyse des changements climatiques à l’œuvre.

Très fortement liés à l’occupation du sol, les phénomènes d’îlots de chaleur conduisent en particulier à accroître l’intensité des températures diurnes et nocturnes lors des vagues de chaleur. Certains types de matériaux, de formes urbaines et de revêtements de sols accumulent en effet la chaleur à une échelle locale, voire micro-locale. L’Agence d’urbanisme de la région nantaise (Auran) a engagé un travail de repérage de ces ilots de chaleur à partir de l’exploitation de données satellitaires. Il constitue ainsi une base de connaissance nouvelle pour les territoires de Loire-Atlantique.

Poser rapidement un diagnostic de la vulnérabilité climatique à l’échelle locale

Les analyses réalisées montrent que les îlots de chaleur ne se trouvent pas forcément là où on les attendrait. Ils concernent certes de manière privilégiée les agglomérations de Nantes et Saint-Nazaire, mais n’épargnent pas les autres centres-villes et centres-bourgs du département. En fonction de la nature des sols et des activités qui s’y pratiquent, certains espaces agricoles se trouvent également concernés : plaines maraîchères, parcelles labourées…

Pourtant situées en périphérie des centres-villes, ce sont les zones d’activités économiques et commerciales qui sont les plus impactées. La concentration d’entrepôts, de hangars et de bâtiments d’activités mais aussi d’espaces de stationnement bitumés et de larges voiries de desserte constituent des facteurs cumulatifs responsables d’une augmentation localisée des températures de surface.

Toitures terrasses ou toits en zinc, terrains de sport ou pelouses en gazon synthétique, cours d’école minéralisées… les équipements publics ne sont pas en reste. Ces constats font appel à la mise en œuvre de solutions territorialisées pour lesquelles les caractéristiques propres aux bâtiments comptent tout autant que l’environnement dans lequel ils se trouvent.

Définir les contours d’un projet de résilience climatique pour le territoire

La planification territoriale joue un rôle clé dans l’adaptation au changement climatique des territoires, en anticipant l’évolution des dynamiques d’ores et déjà constatées et en contribuant à corriger des situations localement défavorables. Or, les projets de construction et de renouvellement urbain intègrent encore peu la dimension climatique dans leurs principes d’aménagement.

L’identification des secteurs concernés par des îlots de chaleur nous permet aujourd’hui de formuler des préconisations concrètes pour les documents d’urbanisme, compte tenu de l’état actuel des connaissances. La Loire, mais aussi les rivières et principaux cours d’eau, tendent par exemple à former des corridors de fraîcheur au sein des espaces urbanisés qu’ils traversent et à réguler les hausses de températures sur un cycle jour/nuit. Les analyses montrent par ailleurs clairement que la température de surface est d’autant plus basse que la superficie végétalisée est importante et la densité arborée élevée. La qualité de la végétation en place compte tout autant que la superficie d’espaces verts privés et publics présents au sein de la ville.

L’adaptation au changement climatique appelle donc à maintenir des espaces ouverts et en eau favorisant les circulations d’air frais en milieu urbain, mais aussi à renforcer la présence d’îlots de fraicheur arborés au plus près des habitants, en particulier des personnes les plus vulnérables. Renforcer la place de la nature en ville offre ainsi une solution concrète pour l’adaptation des territoires au changement climatique aux multiples co-bénéfices : préservation de la biodiversité, gestion alternative des eaux pluviales, valorisation des continuités piétonnes et cyclables, amélioration du cadre de vie des habitants…

Mettre en oeuvre dès à présent les points d’inflexion nécessaires dans l’ensemble des projets

Face au changement climatique, les situations d’aujourd’hui n’ont sans doute rien à voir avec celles de demain. Elles nous invitent cependant, à la lumière de ces constats, à réinterroger notre façon de construire et d’aménager. Le constat est sans appel : la ville dense et intense devra être aussi une ville aérée et arborée.

Cette injonction peut paraître à priori paradoxale. Elle oblige les acteurs de la ville à proposer des solutions nouvelles. En s’appuyant sur la trame verte et bleue, il s’agit en premier lieu de pouvoir définir les contours d’une infrastructure climatique, en reconnaissant par exemple l’importance des poches végétales arborées en ville. Il s’agit également d’intégrer dès aujourd’hui la notion de parcours ombragés et d’espaces ayant une fonction de rafraichissement en période de fortes chaleurs. Agir sur la perméabilité des sols, privilégier les matériaux qui ne retiennent pas la chaleur ou penser l’implantation des bâtiments par rapport à l’orientation du soleil et des vents dominants figurent également parmi les solutions à mettre en œuvre pour lutter contre les îlots de chaleur.

La notion de micro-climat urbain vient ainsi requestionner fortement les choix urbanistiques et conduit à fixer des exigences nouvelles dans les documents d’urbanisme avec notamment l’importance de renforcer la part de surfaces éco-aménagées à l’échelle de l’ensemble de la ville. Dépassant très largement le cadre de l’urbanisme, elle impose également de prendre en compte le facteur humain et pose la question plus globale de l’adaptation des usages et des modes de vie face aux évènements climatiques extrêmes.

 

Le PLUi, un outil mobilisable pour lutter contre les ilots de chaleur

Le code de l’urbanisme, complété très récemment par la loi Climat et Résilience, offre la possibilité aux collectivités de se saisir d’un certain nombre de dispositifs dans leur Plan Local d’Urbanisme pour lutter contre les îlots de chaleur. De nouveaux indicateurs sont travaillés dans ce cadre par l’Agence comme l’indice de canopée qui viennent appuyer les orientations du projet de territoire. Ils sont basés sur des traitements informatiques poussés réalisés à partir de photographies aériennes, de données satellitaires et de modèles numériques de terrain.

A la lumière des enjeux de lutte contre les îlots de chaleur, ces indicateurs travaillés à l’échelle parcellaire conduisent notamment à étendre les périmètres d’Espaces Boisés Classés (EBC) et d’Espaces Paysagers Protégés (EPP) intégrés au document d’urbanisme, et à renforcer ainsi l’obligation faite aux porteurs de projet de tenir compte des caractéristiques existantes paysagères, écologiques mais aussi climatiques.

Mais l’objectif est aussi et surtout de réglementer plus efficacement la qualité des espaces extérieurs des constructions. Ces indicateurs viennent appuyer les enjeux de désimperméabilisation des sols. Ils interrogent également très directement la notion de strates arbustives et arborées face à des espaces engazonnés qui ne jouent pas un rôle climatique significatif, voire même contribuent pour certains à la formation d’îlots de chaleur. Ils nous conduisent également à généraliser sur l’ensemble des territoires la mise en place d’un coefficient de naturalité à la parcelle s’appliquant sur l’ensemble des zones urbanisées, avec une graduation renforcée sur les secteurs identifiés comme ilots de chaleur.

Ces analyses participent enfin à la nécessaire appropriation des enjeux par l’ensemble des habitants et des acteurs du territoire. Devant la nécessaire transformation du rapport et de l’équilibre entre minéral et végétal, ils nous invitent à questionner les enjeux d’usages et de gestion, et à diffuser les bonnes pratiques au travers notamment d’une Orientation d’Aménagement et de Programmation (OAP) dédiée à la thématique de l’adaptation au changement climatique.

Face au changement climatique, les situations d’aujourd’hui n’ont sans doute rien à voir avec celles de demain. Elles nous invitent cependant, à la lumière de ces constats, à réinterroger notre façon de construire et d’aménager. La ville dense et intense devra être aussi une ville aérée et arborée. Un enjeu majeur en termes d’urbanisme mais aussi de nécessaire adaptation de nos modes de vie.

Consulter la carte interactive des îlots de chaleur urbain
Voir la synthèse de l’Auran :
40°C à l’ombre : faut-il craindre de vivre dans un climat plus chaud ?