Après s’être stabilisées pendant 3 ans, les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) sont reparties à la hausse depuis 2017 dans le monde et notamment en France. Les rapports du GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat mandaté par les Nations Unies) se suivent avec toujours les mêmes conclusions : il est urgent de diminuer fortement les émissions de GES générées par l’activité humaine.
En France, le secteur des « transports » est le premier secteur d’émissions de GES, liées essentiellement à la circulation automobile. Pour autant, les pratiques de déplacements dépendent très largement du lieu de résidence et il n’apparaît pas si aisé de réduire l’usage de la voiture sur tous les territoires. « Décarboner » la mobilité quotidienne des habitants de Loire-Atlantique est donc un enjeu environnemental majeur et complexe dans un contexte où la demande en mobilité augmente chaque année du fait notamment du dynamisme démographique.
L’Auran a ainsi coréalisé avec l’Ademe une étude ayant pour but de caractériser la mobilité du quotidien des habitants de Loire-Atlantique selon leur secteur de résidence (urbains, périurbains, ruraux…), de faire le bilan des émissions de GES inhérentes et de leurs facteurs discriminants (modes de transport, distances, …), et enfin d’identifier différentes solutions pour en limiter les impacts, d’estimer leurs potentiels, ainsi que traduire ces solutions dans les politiques publiques. Il s’agit de mesurer quelles sont les réelles marges de manœuvre des politiques publiques pour peser sur une forte diminution de nos émissions de CO2.
Cette étude permet de dresser plusieurs constats :
Les distances parcourues : facteur central
Logiquement, l’utilisation de la voiture et les distances réalisées pour se déplacer (notamment celles supérieures à 10 km), sont particulièrement discriminantes pour les émissions de GES générées par la mobilité de tous les jours.
Une tendance « naturelle » vers une augmentation des émissions de GES
Même si les pratiques de mobilité des habitants des couronnes périurbaines et des zones rurales engendrent de plus fortes émissions, l’enjeu de diminution des émissions de GES concerne tous les territoires. Si les tendances observées sur les dernières années se poursuivent, les émissions de GES devraient continuer d’augmenter sur l’ensemble de la Loire-Atlantique.
La baisse des émissions liées à la mobilité ne sera pas spontanée, et nécessite des actions publiques ciblées pour accélérer la transition.
Une pluralité de solutions à combiner pour limiter les impacts
Beaucoup de solutions existent pour diminuer l’empreinte carbone de la mobilité du quotidien des habitants, et ces solutions peuvent être regroupées selon trois grandes familles :
– la famille « éviter » qui correspond à la baisse du nombre et des distances des déplacements réalisés quotidiennement ;
– la famille « changer » qui caractérise le report modal vers toutes les alternatives à la voiture « solo » ;
– la famille « améliorer » qui s’appuie sur l’amélioration du rendement énergétique des véhicules en agissant tant sur la motorisation des véhicules que sur le type de carrosserie (taille, poids, puissance). Concrètement, il s’agit ici de questionner « l’objet » voiture (production, cycle de vie, énergie, fonctions …) et pas seulement son usage.
Synthèse des différentes solutions et de leurs potentiels
De fortes contributions …
Alors que la Stratégie Nationale Bas Carbone se traduit par une diminution de -34% des émissions de GES de l’ensemble du secteur « transports » par rapport à un scénario 2030 « fil de l’eau », on peut estimer une baisse potentielle des émissions de GES liées à la mobilité quotidienne de -24% à -57% selon les combinaisons des différentes solutions.
Les objectifs nationaux ne sont clairement atteignables que si de grandes ruptures se produisaient dans le comportements des déplacements quotidiens, impactant ainsi les enjeux de domiciliation des salariés, de déplacements domicile-travail, de structure urbaine, de politique foncière…
Trajectoires possibles des émissions de GES au vu des objectifs
L’amélioration de l’efficacité énergétique du parc automobile : une condition « sine qua non »
Augmenter l’efficacité énergétique des voitures apparaît comme le plus impactant.
Si l’on n’agit pas avec pragmatisme et volontarisme sur l’efficacité énergétique des véhicules (tant sur la motorisation, que sur le type de carrosserie), il semble peu probable que l’on puisse atteindre les objectifs nationaux.
Des marges de manœuvre réduites des collectivités territoriales sur la baisse des émissions de GES
Concrètement, les différentes solutions identifiées se traduisent dans les politiques publiques, portées par les collectivités territoriales ou l’Etat, par des actions relevant de l’offre (mise en place de solutions, de services sur les territoires) de la régulation (encadrement des pratiques, contrainte, réglementation) ou de la sensibilisation (incitation et information des habitants). Ces trois leviers des pouvoirs publics font apparaitre le rôle que chacun devra jouer pour viser une atteinte des objectifs. Hors, le niveau de cohérence de l’action publique selon les compétences de chacun pour les différents leviers est difficile à trouver.
Ainsi, en matière d’offre (solutions physiques ou numériques, développement d’offres de transport ou aménagement du territoire), les collectivités territoriales ont naturellement un rôle important à jouer nécessitant cependant souvent un investissement important, sur un temps assez long, pour des effets modérés sur les émissions. L’offre interroge le modèle économique de la mobilité du quotidien.
En matière de régulation, la responsabilité apparaît nettement plus partagée entre l’Etat et les collectivités, notamment pour ce qui est de l’encadrement de l’usage de la voiture. L’Etat peut influer sur la production et la commercialisation de véhicules plus ou moins émissifs, et les collectivités territoriales sur les conditions de circulation de ces véhicules selon leur performance énergétique. Le levier de la régulation interroge directement l’acceptabilité des mesures imposées, et les actions portant sur l’efficacité énergétique des véhicules sont plus efficaces et acceptables si elles sont portées au niveau national.
Enfin, la sensibilisation des usagers nécessite une adéquation entre les échelles locales et nationales, mais celle-ci ne garantit pour autant une modification durable des pratiques des habitants.
L’atteinte des objectifs dépendra tant de la capacité des pouvoirs publics (collectivités territoriales et Etat) à accompagner et encourager les changements d’usage de ses habitants, en agissant avec pragmatisme et volontarisme, que de la volonté des individus à modifier leurs pratiques.
On voit ainsi que certaines actions, qui peuvent apparaître relativement simples à mettre en place comme l’éco-conduite, la rationalisation du choix du véhicule (carrosserie), ou encore l’optimisation des distances de déplacements, contribuent grandement à la baisse des émissions de GES générées sans dépendre directement de l’action des collectivités territoriales.
L’impact du dynamisme démographique et des modalités du développement urbain
Enfin, il est important de souligner que la hausse des émissions de GES est très dépendante des dynamiques démographiques des différents territoires. Organiser les modalités du développement urbain du territoire reste donc essentiel pour garantir l’atteinte des objectifs de baisse des émissions de GES liées à la mobilité.
Aussi, la répartition de la hausse de la population selon les différents territoires apparaît comme un enjeu environnemental à part entière, qui pose notamment la question des rythmes de construction, de l’évolution des prix de l’immobilier, et des typologies de biens immobiliers proposés selon les territoires, en vue de minimiser les kilomètres parcourus en voiture.
Hors scénarios de ruptures, l’urgence d’atteindre des objectifs de diminution des GES se confronte ainsi à la réalité de l’organisation, la conduite et le financement des politiques publiques. Entre cohérence de l’action territoriale, acceptabilité et changement des usages, effets et temporalités des différentes actions, la question de savoir quand seront atteints les objectifs reste à poser durablement. La voiture ? J’arrête quand je veux !