Très fortement lié à l’occupation du sol, le phénomène d’îlot de chaleur conduit notamment à accroître l’intensité des températures diurnes et nocturnes en ville, et ce à l’échelle de la rue ou du quartier. Certains types de matériaux et de sols tendent en effet à accumuler fortement la chaleur et à créer ponctuellement une élévation des températures de surface. Quelques degrés de plus qui contribuent à augmenter la température ressentie par les citadins.
Un îlot de chaleur urbain : un microclimat dans la ville
L’îlot de chaleur urbain (ICU) est en premier lieu un phénomène physique d’effet de dôme thermique créant une sorte de microclimat urbain au sein duquel les températures sont significativement plus élevées.
Il est la conséquence des apports de chaleur naturels et anthropiques et des conditions météorologiques et climatiques des espaces où il apparaît. Il est le révélateur de la différence de température observée entre les milieux urbains et les zones rurales environnantes.
Ainsi, des observations ont démontré que les températures des centres urbains sont en moyenne supérieur de 4°C et peuvent atteindre jusqu’à 12°C de plus que les territoires limitrophes.
Schéma de principe de l’îlot de chaleur urbain sur la métropole nantaise
De même, l’intensité des îlots de chaleur varie selon une base saisonnière (période estivale avec des épisodes de canicules plus ou moins élevés) mais également selon une base journalière avec, généralement, une intensité des îlots de chaleurs plus forte la nuit que le jour notamment lors des minima de températures de fin de nuit renforçant ainsi les effets de pics de canicules.
Les facteurs susceptibles d’impacter la formation de l’îlot de chaleur urbain
Le moment de la journée
L’îlot de chaleur urbain commence à croître en fin d’après-midi et augmente au coucher du soleil pour atteindre son maximum au milieu de la nuit. Par nuit calme, il se crée alors une sorte de « bulle de chaleur » sur la ville. En effet, « En ville, l’énergie solaire est au contraire emmagasinée dans les matériaux des bâtiments et le bitume des routes et des parkings, des surfaces imperméables empêchant l’évaporation de l’eau des sols. Lorsque la nuit arrive, cette énergie est restituée à l’atmosphère urbaine. La nuit, l’air au-dessus de la ville se refroidit donc moins vite qu’à la campagne » explique Météo-France (Source : meteofrance.fr).
La différence de température peut parfois dépasser les 10 °C à l’échelle journalière entre le centre de la ville et la campagne. Cela est directement dû à l’urbanisation car la chaleur urbaine provient du bâti et du sol qui restituent l’énergie emmagasinée dans la journée.
L’occupation du sol et son albédo
Le bâti, selon son albédo (indice de réfléchissement d’une surface) absorbe ou réfléchi l’énergie solaire. Cette énergie est ensuite restituée lentement la nuit sous forme d’infrarouge (chaleur). La minéralité des villes, la densité et la géométrie du bâti sont donc des éléments fondamentaux dans la formation des îlots de chaleur.
Il a été estimé que les surfaces foncées, très fréquemment de l’asphalte ou du béton, pouvaient représenter plus de 40 % de la superficie d’une ville (source : ADEME). Ces revêtements ont un albédo très faible ce qui signifie qu’ils réfléchissent peu les rayons du soleil et emmagasinent de la chaleur ; chaleur restituée en période nocturne et pouvant participer aux phénomènes de canicule.
La circulation d’air
L’îlot de chaleur urbain dépend également des vents. Un vent fort va favoriser la circulation de l’air et donc diminuer le réchauffement de la ville par un air chaud. A l’inverse, un vent faible entraîne une stagnation des masses d’air qui ont alors le temps de réchauffer le bâti : ainsi, plus le temps est calme et dégagé, plus l’îlot de chaleur urbain est intense. De plus, la forme urbaine joue sur le régime des vents : une rue étroite et encaissée, formant un canyon, empêchent les vents de circuler et fait alors stagner les masses d’air.
Les activités humaines
Chauffage, climatisation, industries, circulation automobile, éclairage, etc. sont autant de facteurs anthropiques qui font augmenter les températures et la pollution (qui elle aussi indirectement par effet de serre réchauffe l’atmosphère au niveau mondial) et donc favorisent l’apparition d’un ilot de chaleur.
La présence d’eau et de végétation
Par évaporation et évapotranspiration, l’eau et la végétation rafraîchissent l’air dans la journée. Cependant, en milieu urbain, l’eau ruisselle généralement rapidement vers les émissaires artificiels (réseaux d’assainissements) à cause de l’imperméabilité du sol et n’a pratiquement pas le temps de s’évaporer. Or c’est l’évaporation qui entraîne un rafraîchissement de l’air.
La végétation « transpire », évaporant l’eau présente en profondeur dans le sol. Grâce à cette évapotranspiration, végétaux et sols n’accumulent pas l’énergie solaire reçue au cours de la journée
Pourquoi s’intéresser aux ICU ?
Comme partout en France, Nantes a connu des étés récents marqués par de fortes chaleurs. Le thermomètre y a grimpé à près de 40°C. Dans ses travaux sur le réchauffement climatique, le GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) prévoit une augmentation significative de ces vagues de chaleur. Elles pourraient être de cinq à sept fois plus fréquentes à la fin du siècle par rapport à aujourd’hui. Comment nos villes au climat tempéré peuvent-elles se préparer à faire face à ces phénomènes climatiques extrêmes ?
Les récents épisodes de fortes chaleurs ont mis en évidence l’importance de mettre en place des dispositifs d’observation et d’analyse des impacts à l’échelle locale des changements climatiques. Encore peu connus du grand public, les îlots de chaleur se caractérisent en particulier par des hausses de températures en ville et posent la question de l’adaptation des territoires aux changements climatiques.
Face à une connaissance encore très éparse de ce phénomène à l’échelle locale, l’Auran a engagé à son initiative un travail de repérage des îlots de chaleur urbains à partir de l’exploitation de données satellitaires. Très fortement lié à l’occupation du sol, le phénomène d’îlot de chaleur conduit à accroître l’intensité des températures diurnes et nocturnes, et ce à l’échelle de la rue ou du quartier. Certains types de matériaux et de sols tendent en effet à accumuler fortement la chaleur et à créer ponctuellement une élévation des températures de surface.
Un jour de fortes chaleurs en Loire-Atlantique, l’écart mesuré des températures entre les surfaces les plus chaudes et les surfaces les plus fraiches à l’échelle du département est de +/- 14°C. Les ilots de chaleur ne concernent pas uniquement les agglomérations mais aussi les principales villes du département : Pornic, Châteaubriant, Ancenis… En fonction de la nature des sols et des activités qui s’y pratiquent, ils peuvent également concernés des espaces agricoles.
Cette analyse comparative entre températures de surface et occupation du sol permet aujourd’hui de formuler des préconisations concrètes dans les projets urbains et les études urbaines réalisées par l’Auran. Promouvoir des aménagements capables de faire circuler l’air, agir sur l’imperméabilisation des sols ou privilégier des matériaux clairs qui retiennent moins la chaleur figurent parmi les solutions à mettre en œuvre pour lutter contre les îlots de chaleur.
La notion de confort d’été reste un défi à relever pour lequel les caractéristiques propres aux bâtiments comptent tout autant que l’environnement dans lequel ils se trouvent. D’autant que les îlots de chaleur ne se trouvent pas forcément là où on les attendrait. Pourtant situées en périphérie des centres urbains, les parcs d’activités économiques et commerciales y concentrent les températures les plus élevées. La concentration d’entrepôts peu ou pas isolés, d’espaces de stationnement bitumés et de larges voieries de desserte constituent des facteurs cumulatifs responsables d’une augmentation localisée des températures de surface.
Toitures en zinc, terrains de sport en gazon synthétique, cours d’école… les équipements publics ne sont pas non plus en reste, y compris parmi ceux qui ont été construits ou rénovés récemment. Les secteurs pavillonnaires restent quant à eux dans les températures moyennes du fait d’un tissu bâti plus lâche dans lequel on trouve de nombreux jardins et cœurs d’ilots arborés.
Face au changement climatique, les situations d’aujourd’hui n’ont sans doute rien à voir avec celles de demain. Elles nous invitent cependant, à la lumière de ces constats, à réinterroger notre façon de construire et d’aménager. La ville dense et intense devra être aussi une ville aérée et arborée. Un enjeu majeur en termes d’urbanisme mais aussi de nécessaire adaptation de nos modes de vie.
Quelle méthode pour identifier un îlot de chaleur ?
La méthode retenue dans le cadre de ces travaux repose sur la télédétection et l’analyse des données Landsat en raison de la facilité d’acquisition de ces données, de leur gratuité et de la possibilité répétée d’une acquisition assurant donc une reproductibilité possible dans le temps.
Dans le principe, la bande thermique infra-rouge de cette image satellitaire Landsat 8 est transformée en données de température. Elle permet de mesurer la chaleur émise par la surface, sans prendre en compte les facteurs perturbants (gaz d’échappement, vent, …). On obtient ainsi des nuances de températures de surface sur le territoire que l’on compare avec l’occupation du sol actuelle. On observe alors des écarts selon l’occupation des sols des espaces urbanisés ou naturels et des écarts par rapport à la température annoncée ce jour-là par Météo France
Dans le cadre du travail d’analyse des images satellite, un traitement radiométrique incluant la correction atmosphérique semble indispensable. En effet, la correction atmosphérique vise à soustraire du signal mesuré au capteur, celui induit par les effets de l’atmosphère en termes de processus d’absorption et de diffusion dus aux gaz comme l’ozone, la vapeur d’eau et les aérosols. Elle permet de réduire les perturbations induites sur le signal électromagnétique et ainsi d’affiner les résultats et l’analyse, elle rehausse systématiquement les températures de surface des images Landsat. Cette correction a d’autant plus d’intérêt que l’on travaille sur des images séparées dans le temps. Au final on obtient une information à la précision d’un pixel de 900m2 (30mX30m).
Autres méthodologies possibles et complémentaires :
- Réalisation de mesures in-situ afin de mesurer, à l’aide de sondes météorologiques mobiles, la différence de température de l’air entre le milieu urbain et le milieu rural (établit comme référence).
- Caractérisation des îlots de chaleur grâce à la modélisation. Des modèles informatiques permettent de simuler la répartition des températures et des flux énergétiques au sein d’un milieu urbanisé. Un Modèle de Climat Régional (MCR) peut être utilisé conjointement avec une campagne de mesure est un modèle qui va simuler le climat et donc les températures, sur une aire limitée correspondant par exemple à une agglomération à une résolution utilisables à l’échelle intra-urbaine.
Les espaces urbanisés et non urbanisés
La base de données géographiques CORINE Land Cover est produite sur 39 États européens, dans le cadre du programme européen de surveillance des terres de Copernicus, piloté par l’Agence européenne pour l’environnement.
Elle est issue de l’interprétation visuelle d’images satellitaires, avec des données complémentaires d’appui, avec l’identification de zones d’au moins 25 ha et de 5 ha pour les évolutions, de 100 m de large et homogènes du point de vue de l’occupation des sols.
Elle permet de définir les grands types d’occupation du territoire selon 44 postes permettant ainsi d’identifier les différents territoires artificialisés, les différents espaces agricoles, les forêts et milieux semi-naturels, les zones humides, les surfaces en eau, …
Pour définir les espaces urbanisés ont été retenus les postes suivants de la nomenclature :
- les tissus urbains continus et discontinus,
- les zones industrielles ou commerciales,
- les différents réseaux de communication,
- les mines, décharges et chantiers,
- les espaces verts artificialisés, non agricoles (espaces verts urbains et équipements sportifs et de loisirs)
Les espaces urbanisés en Loire-Atlantique selon la nomenclature CORINE Land Cover